Considéré par un mémorialiste du temps comme un « sous-Talleyrand » de Provence, Eugène François Auguste d’Arnaud de Vitrolles (1774-1854) était un homme de beaucoup d’entregent ; s’étant introduit dans les faveurs de Monsieur, comte d’Artois, il joua un rôle décisif lors de la première et de la seconde Restauration, usant habilement de ses bons offices entre les uns et les autres. Il fut conduit à rencontrer tous les grands personnages de son temps, tenant lui aussi sa partie à ce « grand jeu de marionnettes », pour reprendre l’expression de Mme de Chateaubriand. Il siège au Conseil du roi, et tient un rôle, ambigu, mais dont il sut tirer le meilleur parti ; non point en tant qu’homme politique, car il ne sera jamais ministre ‒ ni sous Louis XVIII, ni sous Charles X  mais en remplissant les fonctions, éphémères, de secrétaire d’État au Conseil royal, qui se réduisirent rapidement au rôle de rédacteur des procès-verbaux du Conseil et de directeur du Moniteur. Arrêté aux Cent-Jours, puis libéré par Fouché, il fut utilisé par celui-ci qui sut monnayer auprès des alliés et des ultras l’entrée du roi à Paris contre sa propre entrée, c’est-à-dire celle d’un régicide, dans le gouvernement du roi. Vitrolles devait par la suite perdre assez rapidement son audience auprès du roi, qu’il amusait cependant par les traits et les saillies de son esprit. Dans ses Mémoires, publiés après sa mort, Vitrolles a laissé de ces mois un témoignage de toute première main, irremplaçable, servi par une plume étincelante, comme celle qui trace ce qu’il faut considérer comme l’un des meilleurs portraits du prince de Talleyrand, l’« homme sphynx ».
 
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